Robert Badinter, homme des lumières, homme de justice

« Cette solidarité active de tous les avocats des États démocratiques avec leurs confrères persécutés, emprisonnés, menacés, est une exigence éthique des barreaux à travers le monde ».

Congrès de Lausanne, 5 décembre 2018

On retient de Robert Badinter l’image de l’avocat et de son combat pour l’abolition de la peine de mort.

Cette image est d’une grande noblesse, mais insuffisante pour décrire Robert Badinter.

Robert Badinter était avant tout un humaniste. Admirateur de Condorcet, il entendait que la place de l’homme et son épanouissement soit portée au-dessus de toutes les autres valeurs et tous ses combats ont été menés à cette fin.

Comme historien, il a pourfendu avec un talent incomparable l’ignominie qui a détruit les hommes en mettant en valeur les actes abjects qui ne suscitaient, lors de leur commission, qu’indifférence et que l’histoire dissipait.

Comme juriste, il a brisé les chaînes qui enserraient des libertés en supprimant les juridictions d’exception, le délit d’homosexualité, en ouvrant le recours individuel auprès de la cour européenne des droits de l’homme, en annonçant la question prioritaire de constitutionnalité.

Comme avocat, il a mis fin à la soumission des avocats au respect des autorités publiques et à l’obligation qu’ils tenaient de leur serment de ne rien dire ni publier qui soit contraire aux lois au règlement aux bonnes mœurs à la sûreté de l’État et à la paix publique en consacrant l’obligation d’exercer avec dignité, conscience, indépendance et humanité.

Le respect de la dignité de l’homme était pour lui une préoccupation permanente. Il a veillé aux droits des victimes en organisant l’indemnisation des victimes d’accidents de la route, en suscitant et en encourageant l’accueil, l’information, l’aide matérielle immédiate, le soutien psychologique lors de l’enregistrement des plaintes… Il a également veillé aux droits des délinquants. Il avait en mémoire cette phrase de Lamartine « du moment où vous reconnaissez le principe de régénération morale de l’homme, et vous allez le mettre en fait dans l’organisation du système pénitentiaire » et a entrepris une politique pénitentiaire visant à réduire la surpopulation, la formation et la réinsertion. Dans le même temps il a créé la peine de travail d’intérêt général, alternative à l’emprisonnement, toujours dans le but de favoriser la réinsertion sociale,

Robert Badinter avait une immense culture. Il était très attaché à la tradition juridique civiliste française. Il a veillé avec une particulière attention à la préservation de notre tradition juridique commune et comme le président Chirac il considérait que le dialogue des cultures à travers le monde était un gage de liberté.

C’est ainsi qu’il était présent lors de la création de CIB avec le bâtonnier Danet et le bâtonnier Stasi en 1985. Il se tenait régulièrement informé de la vie de notre conférence. Il insistait beaucoup sur la nécessité de préserver la cohérence de notre tradition juridique commune dans un monde en pleine évolution qui subit le choc des cultures. Il insistait sur le risque de l’érosion de notre culture juridique qui pouvait lui faire perdre sa puissance et sa cohérence.

Il était toujours très attentif à la protection des droits fondamentaux et se réjouissait de l’action de nos barreaux et de la CIB pour parvenir à une justice indépendante et impartiale. Lors de notre congrès de Lausanne, il a rappelé les devoirs de l’avocat et les exigences de la défense.

Il laisse un immense héritage à nous, avocats, et nous devons veiller à nous en emparer.

La CIB perd un ami.

La CIB est en deuil.

En l’honneur de sa mémoire, nous vous proposons quelques-unes de ces interventions.

Retrouvez l’intervention de Robert Badinter sur la Cour Pénale Internationale, dans la collection « Les grands juristes contemporains », sous la direction du Professeur Yves Chaput