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SYNTHÈSE DES TRAVAUX DU COLLOQUE SUR « L’AVOCAT SON ORDRE ET SON INDÉPENDANCE »

La CIB félicite et remercie ONAT pour son accueil, son implication et son engagement sans faille.

Une rentrée solennelle sous le signe de l’engagement pour la défense de l’État de droit, menacé par des atteintes à l’exercice indépendant de la profession d‘avocat.

Un contexte qui a été mis en avant dans les différents discours prononcés lors de la cérémonie du 24 février 2023 rassemblant, les anciens Bâtonniers de l’Ordre des Avocats de Tunisie, les bâtonniers et avocats de barreaux étranger, le chef de Cabinet de la ministre de la Justice tunisienne et les représentants diplomatiques de l’Allemagne, la France, l’Union européenne et la Palestine.

 

Le bâtonnier de l'ONAT, Maître Hatem Mziou, lors de son discours prononcé le 24 février 2023 lors de la rentrée solennelleLe Bâtonnier de l’ONAT, Maître Hatem MZIOU, avait dès ce jour rappelé la croyance profonde des avocats tunisiens en leur mission de défense des droits et libertés. Un barreau qui se tient à l’avant-garde dans la lutte contre la répression, sur la nécessité pour les justiciables de bénéficier d’un procès équitable, mais surtout pour le respect de l’État de droit qu’est la Tunisie.

 

Un ordre courageux faisant face à la volonté de l’État tunisien de réformer la profession mais également aux arrestations d’avocats dont Maître Ayachi HAMMANI, poursuivi pour avoir critiqué la Chancellerie.

La rentrée solennelle fut marquée par des interventions pertinentes, réaffirmant les principes qui guident l’exercice de la profession d’avocat dans le monde mais surtout en Tunisie, où l’Ordre a su montrer sa volonté de faire respecter l’État de droit qui, “vie sans arrêt de mouvements et de turbulences des contre-pouvoirs” pour citer le Bâtonnier Bernard Vatier, Secrétaire Général de la CIB.

 

Retour sur le colloque « L’avocat, son Ordre, son Indépendance » organisé par le Barreau de Tunisie en partenariat avec la CIB

Le samedi 25 février 2023, s’est déroulé le colloque “L’Avocat, son Ordre et son Indépendance”. Des travaux venant adresser la profession, ses enjeux contemporains, mais surtout les principes qui la régissent face aux atteintes à l’indépendance de l’avocat et de la justice.

Le rôle de l’Avocat dans la défense des droits et libertés 

Plus que des mots ou des principes, ces valeurs constituent l’essence de la profession, qui lui permet d’être «le front face aux institutions lorsqu’elles se dirigent vers la dérive», comme l’a si bien rappelé le Bâtonnier Abdeljelil BOURAOUI, ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Tunisie, au regard de la « nécessité d’une solidarité et d’une cohésion entre confrères et consœurs lorsqu’un membre de l’Ordre est poursuivi », à l’occasion de son discours introductif du premier panel sur « Le rôle de l’Avocat dans la défense des droits et libertés ».

La première intervention de la matinée venait adresser la déontologie de l’avocat et le droit au procès équitable à travers le thème L’avocat garant des droits et libertés, adressé par le Bâtonnier, Mohammed FADHEL MAFHOUD, Ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats de Tunisie.

Il présente la déontologie comme une garantie du procès équitable à travers laquelle l’avocat est chargé d’une mission, celle « d’exercer sa profession avec honneur et indépendance […] une indépendance face à tout pouvoir qu’il soit financier ou politique ». Ainsi, « On ne peut pas parler de procès équitable si le procès a des rapports de force inégaux et l’avocat se doit de ne pas contribuer à ces inégalités ».

Maître Hafedh BRIGUI, Avocat à la Cour de cassation, est ensuite intervenu sur  La déontologie du procès équitable. Il rappelle et regrette la détention de nos confrères tunisiens questionnant « le respect du droit au procès équitable, essentiel pour le citoyen qui doit pouvoir bénéficier d’une personne qui portera ses intérêts afin de ne pas être démunie face au magistrat. »

Il poursuit : « Au grand malheur du justiciable et de la profession, les standards internationaux en matière de droits de la défense ne sont pas respectés, le suspect se voit orienter ou soutirer des aveux en absence de l’avocat. La concertation entre l’avocat et son client est entravée et l’avocat ne dispose pas d’un temps suffisant pour prendre connaissance du dossier à défendre ».

Les attributs du procès équitable garantie de l’indépendance de l’Avocat

Le second panel portant sur :  « Les attributs du procès équitable garantie de l’indépendance de l’Avocat», fut ensuite introduit par le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Bejaia, Maître Driss Abderrahmen qui donna la parole à Maître Youssef LAHMAR – Avocat à la Cour de cassation en Tunisie qui intervenait sur le sujet largement abordé de L’avocat et le procès équitable. Une intervention à travers laquelle il rappela la faculté qu’a le juge d’instruction d’interdire tout contact avec une personne arrêtée, même avec son avocat. Une interdiction souvent motivée par des arguments creux et vides, ne respectant pas les conditions prévues par la loi. Il disait ainsi que l’assistance de l’avocat aux premières heures de la procédure est : « un droit de la défense cédé face à la lutte contre le terrorisme, un droit que nous devons recouvrir ».

Afin de garantir le respect du droit au procès équitable, Me Lahmar concluait son propos par la nécessité pour les magistrats de croire en la présomption d’innocence du mis en cause.

Maître Bechir Manoubi FERCHICHI – Avocat à la Cour de cassation – a clôturé ce second panel en traitant de La défense de la Défense. Il rappelle que l’avocat est en constante lutte pour « faire évoluer le droit procédural et la jurisprudence qui ne cessent d’améliorer les garanties juridiques pour permettre à l’avocat de dire la vérité. » Il insiste sur la nécessité de respecter la présomption d’innocence, même lorsqu’un avocat est prévenu.

La présence de l’avocat lors du procès est une garantie pour tout justiciable, c’est pour garantir cet intérêt que l’avocat bénéficie d’une immunité dans l’exercice de sa profession, « une immunité qu’on lui envie et, à laquelle il est porté atteinte. » 

L’organisation de la profession d’avocat

Le troisième panel portant sur « L’organisation de la profession d’avocat » fut ensuite introduit par son président de séance le Bâtonnier Daouda Samna, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Niger, qui souleva la nécessité d’unité au sein de la profession : “Avocat nous devons rester debout, unis, mobiliser pour la profession, pour la démocratie”.

 

L’intervention du Bâtonnier de Mauritanie Brahim OULD EBETY sur le sujet l’Ordre fort e(s)t indispensable, a permis de rappeler les multiples tentatives d’entraves à l’exercice de la profession d’avocat par des régimes usant de moyens de droit pour établir des situations illicites et cherchant à restreindre les droits de la défense. Dans cette situation, il devient primordial que l’Ordre intervienne pour protéger les droits de la défense et les avocats.

 

Maître Mamadou KONATE, avocat au Barreau du Mali et ancien ministre de la Justice du Mali est intervenu sur le rôle des CARPA. Il a rappelé la nature autoritaire du pouvoir et la nécessité d’instaurer des contre-pouvoirs. La CARPA constitue un contre-pouvoir économique et politique face aux abus. Elle permet de garantir l’indépendance de l’avocat.

Affirmant que chaque avocat est une menace potentielle pour le pouvoir quel qu’il soit, Maître KONATE insiste sur l’importance pour l’avocat de bénéficier de la protection que constitue la CARPA dans l’exercice de sa profession.

 

Les modalités d’exercice de la profession d’avocat

Le dernier panel présidé par Madame Asma BEN ABDALLAH, Doyenne de la faculté de droit de Sousse, porte sur : « Les modalités d’exercice de la profession d’avocat ». Elle a rappelé avec ferveur que ce colloque affirme une certaine éthique et dénote la déontologie de la profession : « l’avocat a besoin d’être défendu, de bénéficier de garanties pour qu’il soit protégé dans l’exercice de ses fonctions ».

Maître Dominique Tricaud, Avocat au Barreau de Paris et Trésorier de la Conférence Internationale des Barreaux traita de La communication de l’Avocat. Il a d’abord salué la force de la profession à travers la présence des avocats du continent et de l’Union des Avocats arabes, avant de soulever l’endormissement de celle-ci face aux systèmes politiques. Un plaidoyer en faveur de l’unité et de la solidarité des avocats du monde visés par des atteintes à la profession.

Il met en évidence la distinction entre la parole de l’avocat au prétoire qui ne peut lui être opposée personnellement. Un verbe par lequel l’avocat agit et défend sa cause. Si son verbe a des limites, il n’appartient à nul autre qu’aux Ordres de les définir soulevant également l’importance de garantir le secret professionnel, mais aussi de protéger l’avocat des ingérences étatiques. Une protection que l’avocat se doit à lui-même en respectant les limites : « Notre résistance c’est de ne jamais sortir du cadre, de ne jamais poser notre robe, lorsqu’un avocat émet un jugement de valeur il sort de ce cadre ».

 

 

Pour clore ce dernier panel, Maître Saber KTARI – Avocat à la Cour de cassation en Tunisie – est intervenu sur Les honoraires de l’avocat à travers une études détaillée des modalités de détermination des honoraires de l’avocat qui, bien plus qu’une simple rémunération sont : « une récompense fournie à l’avocat, au regard de son statut qui n’est pas celui d’un salarié ».

Une gratification à l’image de l’avocature qui constitue une lourde profession, une profession à haut risque car c’est un métier qui se base sur la confiance. Au-delà de cette confiance il y a une nécessité de transparence entre l’avocat et son client, qui s’exprime spécialement dans l’estimation des honoraires.

Maître Ktari propose la mise en place d’un guide sur les honoraires d’avocat émanant de l’Ordre avec pour base des objectifs de comptabilité et de rendement indiquant les modalités de détermination des honoraires permettant ainsi de faire face au risque de déséquilibre entre les honoraires et le travail de l’avocat.

Il rappelle : « le fait d’adopter un régime forfaitaire ne conviendra pas à la nature des prestations de l’avocat, car plus il y a de charge plus elles sont défalquées dès la base fiscale, il faut savoir calculer et valoriser notre travail ». À cela s’ajoute les problématiques liées à l’administration fiscale. Des enjeux essentiels et transfrontaliers pour la profession.

Les débats postérieurs aux travaux furent nourris par le courage des avocats tunisiens et de leur Ordre, qui ont mis en avant la nécessité d’une réforme des statuts pour prendre en compte les observations soulevées lors du colloque afin de préserver l’indépendance des avocats. Des observations qui ont surtout traduit l’urgence de faire respecter la profession d’avocat et son statut pour permettre la représentation du justiciable à tous les niveaux du procès afin de garantir le droit au procès équitable.

Maître Abderrazak KILANI, ancien Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats de Tunisie, est intervenu pour dénoncer les atteintes à l’indépendance des avocats en raison d’une « cascade de procès dont sont victimes les confrères » en violation de la loi. Il mentionne également les atteintes à l’indépendance des magistrats par la mise en place d’un conseil supérieur de la magistrature avec à sa tête le Président de la République qui s’est octroyé la possibilité de révoquer tout magistrat:« les magistrats tremblent et les avocats ne peuvent plus plaider librement […] il est temps que notre conseil de l’Ordre prenne position contre toutes ces violations ».

 

Le professeur Berchir Manoubi FERCHICHI a aussi souligné les conditions expéditives de jugement des justiciables d’une durée moyenne de cinq minutes par personne, un temps évidemment insuffisant pour juger équitablement une personne.

Le Bâtonnier Bernard Vatier et Maître Nooman MZID, avocat à la Cour de cassation, venaient conclure les travaux soulignant la nécessité d’une unité afin de mieux protéger la profession d’avocat.

Enfin, le Bâtonnier en exercice de l’Ordre Nationale des Avocats de Tunisie, réaffirme fermement la position de l’Ordre qui est celle de la défense de l’indépendance de l’avocat, de l’attachement de l’Ordre à l’État de droit et au respect de ses institutions face aux atteintes au droit au procès équitable dirigées directement contre les avocats. Des atteintes contre lesquelles le Bâtonnier a affirmé qu’il ferait « tout ce qui est son pouvoir pour que l’indépendance des avocats tunisiens soit respectée et qu’ils puissent exercer en dehors de toute intimidation. »

 

Par Ismael. A. Sambare, Directeur Exécutif.

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