Dans l’après-midi du 7 août 2021, Me Roberson Louis, avocat au Barreau de Port-au-Prince, revenant alors d’une Banque commerciale, a été lâchement assassiné, à proximité de sa maison à Delmas par des bandits armés non identifiés. Le confrère quinquagénaire, connu pour son engagement dans la défense des droits et des libertés, vient grossir les rangs des avocats assassinés en Haïti.
Faut-il rappeler que le 28 aout 2020, Me Monferrier Dorval, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Port-au-Prince, a été aussi tué devant sa résidence privée à Pèlerin 5. Près d’un an après, le dossier n’avance pas. La Commission d’enquête internationale réclamée par la CIB n’a toujours pas été mise sur pied. Près d’un an après, l’insécurité continue de prospérer en Haïti plaçant les avocats parmi ses cibles privilégiées. Au Barreau de Port-au-Prince, la Commission pour la défense et la protection des avocats en danger n’a jamais été aussi active. Il n’y a pas de justice, il n’y a pas de police. Ce qu’il reste de l’Etat n’est plus en mesure de garantir la vie et la sécurité de tous. Même pas celles du Président de la République, Monsieur Jovenel Moise, assassiné lui aussi, en sa résidence privée, à Pèlerin 5, dans la nuit du 6 au 7 juillet.
A un moment où nous préparons notre prochain congrès autour du thème : « LE DROIT ET LES LIBERTES PUBLIQUES AUX PRISES AVEC LA CRISE DE LA COVID 19 », en Haïti se pose très sérieusement la question des droits, des libertés, des défenseurs des droits et des libertés, de l’Etat de droit, de l’avenir même de la profession d’avocat.
Epargné par la crise sanitaire, mais pas par les Fake News sur le vaccin notamment, Haïti vit l’un des moments les plus compliqués de son histoire. Des confrères, pas nécessairement les plus jeunes, rangent toges et fiertés, s’essayant à d’autres vies loin de leur pays, de leurs familles et du serment auquel ils sont si attachés.
Alors que ferons-nous ? Continuerons-nous à dénoncer, à condamner et à attendre le prochain drame ? Jusqu’à quand croirons-nous que nos notes, que nos hommages, que nos résolutions suffiront ? Eh bien, non ! Ils ne suffisent pas. Ils sont loin de suffire. Ni en Haïti, ni en France, ni au Cameroun, ni au Tchad, ni au Gabon… ils ne suffisent pas. Seule la lutte libère ! Seule la mobilisation compte!
Alors, mobilisons-nous! Mobilisons-nous pour nous, pour nos confrères… mobilisons-nous pour tous les avocats en danger! Tant qu’il y aura un avocat persécuté dans le monde, nous ne devrons pas nous arrêter! Tant qu’ils ne comprennent pas qu’on ne doit pas toucher à l’avocat, nous ne nous arrêterons pas ! Et comme, ils ne comprendront jamais… nous ne nous arrêterons jamais.
Très chers confrères, l’assassinat de Me Roberson Louis a été l’assassinat de plus, l’assassinat de trop. Mais, pour nous, il doit être l’appel ultime à la solidarité, à la confraternité et surtout à la responsabilité. Il est de notre devoir de défendre la liberté et de protéger l’Etat de droit envers et contre tous. En période de pandémie ou en période de chaos social ou humanitaire. Comme c’est malheureusement, le cas d’Haïti en ce moment.
Nathan LAGUERRE
Avocat au barreau de Port-au-Prince