Communiqué de soutien suite aux poursuites engagées à l’encontre de Maître Ayachi HAMMAMI, avocat en Tunisie
Le 27 janvier 2023
La Conférence Internationale des Barreaux de tradition juridique commune (CIB) qui fédère les barreaux de plus de 40 pays francophones ayant à cœur la promotion des Droits de l’Homme, de l’État de Droit, des valeurs de Justice et de bonne gouvernance a été alertée des poursuites engagées à l’encontre de Maître Ayachi HAMMAMI qui inquiètent les avocats tunisiens quant à l’indépendance de leurs activités.
Maître Ayachi HAMMAMI est avocat à la Cour de cassation en Tunisie et ancien ministre chargé des Droits de l’Homme et de la Relation avec les instances constitutionnelles et la Société civile.
Opposant historique au régime de l’ancien Président Ben Ali, défenseur des droits de l’Homme aux mérites reconnus par l’ensemble du champ politique jusqu’au président Kaïs Saïed lui-même, Maître Ayachi HAMMAMI jouit d’une grande liberté de parole et est régulièrement invité à partager son avis publiquement sur les maux que rencontre la société tunisienne.
Le 29 décembre 2022, il s’exprimait en homme libre sur le sort des 49 juges ayant été blanchis par le Tribunal administratif de Tunis. Malgré cette décision la Chancellerie refuse toujours leur réintégration à la magistrature. Il qualifiait ce refus de « second carnage » pour la Justice en Tunisie.
À la suite de ces propos, Maître Ayachi HAMMAMI était informé le 2 janvier 2023 des poursuites engagées à son encontre par la Ministre de la Justice en vertu du décret-loi n°2022/54 pour avoir « usé des réseaux sociaux pour répandre des rumeurs dans le but de porter atteinte à la sécurité publique ».
Pour rappel, après avoir dissous le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) le 5 février 2022, le président Kaïs Saïed instituait par décret n°2022/11 en date du 13 février 2022 une instance provisoire de remplacement placée sous son autorité donnant au pouvoir exécutif la capacité de révoquer « tout juge qui manque à ses devoirs professionnels ».
Le 1er juin 2022, le Président de la République de Tunisie annonçait la révocation par décret de 57 juges pour « corruption » et malversations diverses.
Le 10 août 2022, le Tribunal administratif de Tunis blanchissait 49 juges sur les 57 qui ont été révoqués par décret présidentiel. Ils n’ont à ce jour toujours pas été réintégrés dans la magistrature.
Dans ce contexte, Maître Ayachi HAMMAMI, en sa qualité d’avocat et de porte-parole du comité de défense des juges révoqués, à exercer pleinement sa profession d’avocat en parfaite conformité avec les articles 1, 2 et 47 du décret-loi N° 79 du 20 aout 2011 régissant la profession d’avocat.
Tant les associations tunisiennes des Droits de l’Homme que les associations internationales se sont inquiétées des dérives de l’application du décret n°2022/54 qui portent une atteinte manifeste à l’indépendance de la Justice et fragilise l’État de Droit en Tunisie.
La CIB, organisation de barreaux, dont celui de Tunisie est membre, fait particulièrement valoir l’article 14 des Principes de base relatifs au rôle du barreau, adoptés lors du 8ème Congrès des Nations-Unies pour la prévention du crime et le traitement de délinquants, tenu à La Havane du 27 août au 7 septembre 1990, disposant :
« En protégeant les droits de leurs clients et en promouvant la cause de la justice, les avocats doivent chercher à faire respecter les Droits de l’Homme et les libertés fondamentales reconnues par le droit national et international et agissent à tout moment librement et avec diligence, conformément à la loi et aux normes reconnues et à la déontologie de la profession d’avocat ».
La Conférence Internationale des Barreaux est solidaire de Maître Ayachi HAMMAMI et entend être à ses côtés dans l’exercice de sa défense.