Déclaration de la Conférence Internationale des Barreaux sur la situation des avocats du Nord-Kivu
La Conférence Internationale des Barreaux de tradition juridique commune (CIB), à l’instar de toutes les personnes et organisations attachées aux droits fondamentaux et à la dignité humaine, est vivement interpellée par la tragique situation qui sévit au Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo. Les images bouleversantes en provenance de cette région témoignent d’une crise humanitaire et sécuritaire d’une ampleur alarmante.
Sa préoccupation majeure demeure le sort des populations civiles, non seulement abandonnées à elles-mêmes, mais aussi victimes quotidiennes d’exactions, de brimades et d’exécutions sommaires, poussant les plus chanceuses à l’exil.
Particulièrement touchée par cette situation, la CIB s’alarme de la situation des membres de l’Ordre des avocats près la Cour d’appel du Nord-Kivu à Goma. Ce conflit armé les expose à une insécurité extrême, à la précarité, voire à un danger de mort imminent pour certains d’entre eux, quand ils ne sont pas déjà tombés sous les coups de la violence.
Une justice en détresse
Des palais de justice saccagés et devenus inutilisables.
Des dossiers judiciaires détruits ou incendiés.
Du mobilier détruit ou pillé, des portes et fenêtres démolies, entraînant une suspension totale de l’activité judiciaire et un chômage massif parmi nos confrères.
Une libération massive de prisonniers, y compris de grands criminels, qui constituent une menace sérieuse pour la population et particulièrement pour les avocats ayant eu à traiter leurs dossiers.
Des avocats en danger
Une précarité matérielle et morale aggravée par l’arrêt quasi total de l’activité économique, marqué notamment par l’impossibilité d’accéder aux avoirs bancaires.
Des menaces quotidiennes pesant sur l’intégrité physique des avocats, contraignant certains au silence ou à l’exil.
L’assassinat, le 21 février 2025, de Maître Iyengika Songa Raoul, abattu par des hommes armés.
Fidèle à ses principes fondateurs et à son engagement de défense des plus vulnérables, la CIB interpelle avec force l’ensemble des protagonistes de cette tragédie.
Un appel solennel
Face à cette situation dramatique qui rappelle des heures sombres de l’Histoire, la CIB lance un appel solennel à mettre un terme à ces violences et interpelle :
- Les protagonistes et belligérants – États, organisations armées et milices – dont la responsabilité est directement engagée.
- Les institutions internationales – l’ONU, l’Union africaine et les États d’Afrique centrale – afin qu’elles usent des moyens que leur confère le droit international pour restaurer la paix et l’état de droit.
La CIB rappelle à tous leur devoir de protection de la vie humaine et, en particulier, de l’avocat dans l’exercice de sa fonction.
La CIB réaffirme enfin sa solidarité indéfectible, son amitié et sa confraternité envers tous les membres du barreau du Nord-Kivu. Elle se tient à leur disposition pour entreprendre toutes les démarches utiles au rétablissement de l’état de droit, de la justice et de la défense dans cette région meurtrie.
Fait à Paris, le 26 février 2025.